• Vers un monde meilleur

     

    Par Judith Lauriault-Lagacé 

     

    Fuir une situation précaire pour trouver un monde meilleur, fuir une histoire sans issue pour découvrir un endroit qui laisse de la place aux rêves, c'est le souhait de millions d’immigrants et d’exilés, dont les réfugiés du Vietnam des années 70. Ru, de Kim Thuy raconte l’histoire d’une immigration réussie.

     

    Qu’est-ce que les immigrants gardent de leurs racines? Qu’est-ce qu’ils changent? À quel point sont-ils prêts à s’assimiler? Les impacts sont différents d’un peuple à l’autre, mais Ru montre l’adaptation de Vietnamiens en terre étrangère, soit le Canada dans ce cas-ci.

    Ru, de Kim Thuy, est l’histoire d’une jeune fille vietnamienne qui quitte son pays à l’âge de 10 ans. Elle fait partie de ces boat people qui ont fui le Vietnam. Ce récit est fortement inspiré de la vie de l’auteur. La jeune fille et sa famille s’installeront au Québec, leur nouvelle terre d’accueil, plus précisément à Granby en 1978. La narratrice est à l’âge adulte lorsqu’elle raconte son immigration. Elle fait des parallèles entre le présent et son passé. Elle raconte le choc de son arrivée ainsi que son adaptation. Aujourd’hui, Kim Thuy est parfaitement adaptée au Québec et est devenue connue grâce à ce roman.

    Cette histoire commence le 30 avril 1975, jour où les communistes ont pris possession du Sud-Vietnam. Après cette prise de pouvoir, la vie des Vietnamiens a changé. Pas de guerre sanglante, mais plutôt la modification forcée de leurs habitudes de vie. Il y a eu les prisons, les camps, la rééducation… Les conditions de vie deviennent plus difficiles. La société de consommation disparait, les prix augmentent et la corruption aussi. La nourriture est rationnée, et il est interdit de quitter le pays, sauf exceptions. Pour toutes ces raisons et bien d’autres, des milliers de Vietnamiens fuient leur pays d’origine, qui n’est plus ce qu’il était. Ils s’entassent par centaines dans des bateaux de fortune pour se réfugier dans les pays voisins : Thaïlande, Singapour, Indonésie, Hong-Kong et la Malaisie. Ce dernier pays est l’endroit où l’auteure du roman a échouée. Elle et sa famille se sont enfuies en 1978, année où une politique spéciale a été émise pour les Vietnamiens d’origine chinoise; ils avaient la possibilité de partir de manière non-officielle, puis officielle par la suite. Comme dans le roman, ils se retrouvaient dans des camps de réfugiés insalubres et surpeuplés.  Après avoir passé deux mois là-bas, toute la famille part enfin pour une terre d’accueil: le Canada. Ils seront 1 948 réfugiés à partir de la Malaisie pour le Canada en 1979. Les autres pays d’accueil sont pour l’essentiel l’Australie, la France, les États-Unis et l’Allemagne. Au total, 83 495 réfugiés en Malaisie quitteront le pays cette année-là.

    Le roman expose les différentes étapes de la migration du côté culturel et psychologique. Par exemple, le choc de l’arrivé au Québec y est décrit : «Je n’avais plus de points de repère, plus d’outils pour pouvoir rêver, pour pouvoir me projeter dans le futur, pour pouvoir vivre le présent, dans le présent.»

    Toutefois, les Québécois sont chaleureux et généreux, ce qui a aidé à l’adaptation du début. Toutes les familles des environs désiraient recevoir les enfants nouvellement arrivés pour le diner.  Ils avaient à cœur leur bien-être et leur acclimatation.

    D’un autre côté, certaines habitudes changent, ce qui ne permet pas toujours de pouvoir s’associer complètement à ses racines. Par exemple, l’American way of life «a donné de l’assurance à [sa] voix, de la détermination à [ses] gestes, de la précision à [ses] désirs […] [lui a] fait croire que [elle] pouvai[t] tout avoir.»

    De plus, après un séjour au Vietnam à l’âge adulte, elle ajoute : «Je n’avais plus le droit de me proclamer vietnamienne parce que j’avais perdu leur fragilité, leur incertitude, leurs peurs.»

    Du côté psychologique, l’auteure a également pu développer certaines capacités, comme d’apprendre à rêver de ses propres désirs dans un pays libre et avec moins de contraintes que celui d’origine. Le Vietnam est catholique, ce qui ne donnera pas lieu à un choc religieux comme pour d’autres peuples.

    Un autre aspect très présent dans le roman sont les odeurs et la cuisine. À plusieurs reprises, on y fait allusion. Par exemple, l’utilité d’un grille-pain est futile pour eux, alors que leurs tuteurs croyaient que c’était primordial. Ils déjeunaient avec du riz ou des restes de la veille. D’autres plats demeurent présents dans leur cuisine pour conserver les traditions. Il y a une  viande rissolée (thit cha bong) qu’elle prépare parfois à ses fils, en souvenir de leurs ancêtres.

    Toutefois, ce qui reste le plus marquant, c’est l’Histoire, leur histoire. Le travail acharné des femmes. Les hommes partis à la guerre. Tout cela ne peut être oublié, ces histoires sont donc racontées aux petits-enfants. Il arrive même que certains se reconnaissent. Par exemple, un homme l’aborde dans la rue parce qu’il a reconnu les cicatrices de ses vaccins. Tout leur passé resurgit soudainement, car ils ont des souvenirs communs d’une époque révolue.

    Finalement, ce roman pose un regard sur une question d’identité. Un mélange du Québec et du Vietnam. C'est une bonne manière de partager ce qui est ressenti lors d’une migration et lorsque l’écrit devient populaire comme Ru, cela fait réaliser au grand public quelles peuvent être les conséquences de l’immigration forcée. De manière générale, ce genre d’œuvre apporte une plus grande tolérance face à la diversité, car l’inconnu n’est plus de l’inconnu.

     

     




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